Chokri Belaid est mort, tout un pays le pleure ...
Après la nouvelle, le pays s'est arrêté. Les tunisiens ne pouvaient plus ni travailler, ni étudier, ni même penser. Leurs esprits rembobinaient l'information, la disloquaient, la déchiquetaient mot à mot, essayant en vain de la comprendre, de la saisir, de l'accepter... Mais non, l'esprit n'y arrivait point. Il n'est pas mort, il ne peut pas l'être. Hier encore il était là, sur nos écrans de télévisions, hier encore il dénonçait comme à son habitude notre gouvernement d'incompétences nationales. Il n'est pas mort, il ne peut pas l'être. Dimanche encore, il était là dansant, chantant, levant ce poing qu'il n'a jamais baissé... Il n'est pas mort, il ne peut pas l'être. Lui, qui a toujours cru en la Tunisie, en son avenir, lui prédisant un destin glorieux à l'image de son peuple qu'il a tant aimé, lui promettant un essor économique présomptueux. Grand optimiste, il était. Mais les optimistes ne sont-ils pas symboles d'espoir ? Il n'est pas mort, il ne peut pas l'être. Il n'y a pas bien longtemps, il défendait Nessma dans l'affaire de la diffusion de Persepolis, s'opposant à l'obscurantisme, défendant la liberté d'expression, d'opinion, de croyance. Et soudain l'esprit s'éveille : CHOKRI BELAID EST MORT !
Spontanément, le corps suit l'esprit dans son éveil, et accourt dehors, dans les rues, là ou tout a commencé, là ou tout s'est finit ... Chokri Belaid est, et sera toujours le symbole de la résistance tunisienne. La rage l'emporte sur le désarroi en peu de temps et les slogans reprennent de plus belles. Le peuple s'indigne de nouveau, il s'indigne de la finalité de tant de combats et de sacrifices. Trop, c'est trop il n'en peut plus, assez de laisser faire, assez de silence, de débats éphémères, de revendications ignorées, aujourd'hui il le demande fort; partez ! Partez, parce que vous n'êtes pas à la hauteur de la responsabilité, partez parce que vous détruisez ce que d'autres ont construit, partez parce que la Tunisie irait mieux sans vous. Plus de légitimité électorale, vous n'en avez plus ! Chokri Belaid est mort faute de votre incompétence. Vous qui justifier les criminels, vous qui avait divisé la Tunisie en groupuscules, partez ! Mais d'abord regardez ce que vous avez fait d'un peuple qui ne ressort de votre règne qu'encore plus appauvri, souillé, faible et désespéré. Regardez-le ce peuple que vous dites aimer, regardez le ... Combien d’affaires, combien d’agressions, d’attaques, d’insultes, d’intrusions, de provocations, de viols, de violences et de vols ont été signalés depuis la révolution ? Combien ? Le peuple demande un chiffre et demande à ce qu’on le compare aux nombres d’arrestations, de procès, de sentences, d’emprisonnements. Parce que cette comparaison elle est criarde, elle est la preuve aveuglante de l’incompétence d’un gouvernement qui aujourd’hui peine à garder sa crédibilité.
Mais l'espoir réapparaît, l'espoir réapparaît toujours. Il ne sera pas mort en vain, aujourd'hui le peuple est de nouveau tunisien, il n'est pas musulman, pas laïque, pas gauchiste, pas de droite, pas du centre, pas communiste, pas bourgeois, pas ouvrier, pas voilé, pas barbu, pas dénudé, il est tout simplement tunisien. Chokri Belaid a du mourir mais il nous a rappelé ne serait-ce qu'une journée que ne nous sommes tous que les enfants d'une seule patrie et que rien d'autre ne compte, rien d'autre ne doit compter. Une seule séparation et légitime, les patriotes et ceux qui ne le sont pas. Cette mort est là pour nous le rappeler, n’ayons pas de pitié pour Chokri, il n’est pas à plaindre. Notre condition de mortelle, me pousse à penser que puisqu'il faut mourir, autant avoir une belle mort. Chokri a eu la plus belle de toutes, il est mort pour ses idées, mort pour sa liberté, mort digne, mort mais ne sera jamais oublié… Il n’est pas à plaindre, c’est nous qui le sommes, car nous avons encore désespérément besoin de lui.
Dans l'espoir que maintenant les choses vont changer. Une tunisienne comme tant d'autres.